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Interroger le monde

Le monde, ici, maintenant, à l’horizon de demain et ailleurs. Événements, faits, chiffres : essayer de les regarder pour voir, situer, peser, comprendre, imaginer.

LA POLITIQUE SANS CÂPRES

2020 : fin de partie, lampions éteints, et plein de vide… 

29 Dec 2020

Au début du recueil de ses pensées, Pierre Dac, intellectuel majeur du XXe siècle, donne la recette de la sauce aux câpres sans câpres. Il faut faire bouillir un litre d’eau, puis prendre un autre litre d’eau froide que l’on fera tiédir au bain-marie dans la bouillante, lier avec de l’eau et laisser épaissir, puis incorporer un bon litre et demi d’eau que l’on aura monté en neige… Eh bien cette année, nos chers élus, anciens et nouveaux, nous ont fristouillé une recette de politique sans politique.

Ainsi, nous avons eu le gouvernement sans majorité. Le genre d’institution démocratique qui gouverne au nom de la population, sans représenter sa majorité. On a essayé pendant quelques années, en ne représentant pas la majorité des francophones. Comme ça marchait bien, surtout pour lutter contre la plus grande pandémie que notre pays et la terre entière aient connue depuis un siècle (ou 36500 jours), on continue avec un gouvernement ne représentant pas la majorité des néerlandophones.

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Puis, nous avons eu le Parlement sans pouvoir. En fait, ça s’appelle les pouvoirs spéciaux. Normalement, ça veut dire que le Gouvernement a le pouvoir spécial de décider sans en passer par le Parlement (ce qui tombe bien, puisqu’il n’y a pas de majorité). Ça veut dire aussi que le Parlement a le pouvoir spécial de se taire, fort utile pour éviter les bêtises, surtout en matière de lutte contre la plus grande pandémie que notre pays et la terre entière aient connue depuis un siècle (ou 876000 heures).

Après, nous avons eu le commandement de crise sanitaire sans poste de commandement. Mais avec 1,2,3,4,5,6,7, violette, ministres en charge de questions de santé. (D’où pataquès de masques, tests et tracing, dysfonctionnel comme un couple de Woody Allen. (Pour être de bon compte, reconnaissons que maintenant nous avons un Commissaire Corona. (Et que fort heureusement c’est un homme de grande valeur intellectuelle. (Parce que vous imaginez si on avait nommé quelqu’un qui ait une expérience opérationnelle, genre un humanitaire ou un militaire qui aurait dirigé en terre de choléra ou d’Ébola ? (C’eût été aussi risible que si on avait nommé Dwight Eisenhower plutôt que John Doe à la tête du commandement allié en 1943))))). 

Qui sait ce qui se serait passé s’il ne s’était pas passé ce qui s’est passé !?

Par conséquent, nous avons eu l’efficacité publique sans résultat. Par exemple, une Première Ministre est partie en vacances, puis partie tout court, ravie du bilan de son équipe. Mais nous disant tout de même de nous protéger, de prendre soin de soi et des autres. Malheureusement comme nous, pauvres citoyens, avons été incapables de comprendre ses recommandations pourtant simples, au terme de la première vague de la plus grande pandémie que notre pays et la terre entière aient connue depuis un siècle (ou 52560000 minutes), nous avons eu le presque pire nombre de morts par million d’habitants au monde.

Alors, nous avons eu la recommandation sans sens. Le nouveau gouvernement, instauré en octobre, nous fait progresser dès son entrée en action. Cette fois nous sommes les premiers : nous avons le pire nombre de morts par million d’habitants au monde, au cours de la deuxième vague de la plus grande pandémie que notre pays et la terre entière aient connue depuis un siècle (ou 3153600000 secondes). Donc, il faut se protéger (comme déjà le disait Madame la Première Ministre d’avant). Donc, il nous est conseillé de ne pas aller chez nos voisins qui pourraient nous infecter, ces Français volages qui en proportion ont presque deux fois moins de morts que nous, ou ces Allemands fantaisistes qui en ont cinq fois moins. En fait – attention, point Godwin – c’est un peu comme si, en 1935, au lendemain du vote des lois de Nuremberg qui privaient les juifs de leurs droits, Goebbels avait dit à ses concitoyens : « je vous en conjure, n’allez pas en France, l’écrivain Brasillach est antisémite ».

Enfin, nous avons la conversation sans échange. La conversation, si chère à Obama, est un concept important de la philosophie politique américaine. Ainsi John Dewey écrit-il qu’il faut, en démocratie, soustraire les conflits à la force et la violence pour les régler par la discussion[1]. Cela permet de considérer ceux avec qui l’on est en désaccord comme des partenaires, dont on a quelque chose à apprendre. Aussi fûmes-nous bien marris devant le spectacle de la conférence de presse du Gouvernement du 18 décembre. À un journaliste qui osait la critique, le Premier Ministre a conseillé de faire de la politique pour défendre ses positions. Le journaliste a répondu qu’il faisait son travail de journaliste. Et ce fut tout. Point d’échange. Cela dit, ‘faut comprendre aussi nos pauvres politiques, c’est dur à vivre le pouvoir impuissant.

Bien sûr, il est facile de persifler avec des arguments idiots comme le bon sens. Quoique… Dewey, encore lui, défendait les lieux communs moraux : parce que la démocratie est un mode de vie personnel et un fait moral, pas quelque chose d’institutionnel et d’externe.  

Enfin, qui sait ce qui se serait passé s’il ne s’était pas passé ce qui s’est passé !? Souvenons-nous d’Alice au pays des merveilles dans le terrier du lapin. Là, elle essayait d’imaginer à quoi ressemble la flamme d’une bougie une fois que la bougie est éteinte… De même qu’on ne connaît pas les problèmes qu’on n’a pas, on ne sait pas combien de morts on aurait eus si, cette année, on avait eu de la politique avec de la politique. 

 

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[1]  « Une démocratie créative : la tâche qui nous attend » dans Dewey, J. (2018). Écrits politiques. Paris : Gallimard. 

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