Interroger le monde
Le monde, ici, maintenant, à l’horizon de demain et ailleurs. Événements, faits, chiffres : essayer de les regarder pour voir, situer, peser, comprendre, imaginer.
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Des villes françaises se sont embrasées suite à la mort d’un jeune tué par la police : 23.878 feux sur la voie publique, a dit le ministre de l’Intérieur au Sénat. Heureusement tout est rentré dans l’ordre, les pauvres ont pu retourner chez eux et le commerce reprendre…
Selon l’adage populaire, quand la France s’enrhume la Belgique éternue. Nous avons donc eu quelques escarmouches. Rien de sérieux. Pourtant, cet épisode pousse à prendre conscience de la fragilité de notre paix sociale. Et à nous interroger : que risquons-nous ?
Le risque est un événement qui peut surgir, de l’ordre du possible. Il ne relève ni de la certitude d’un destin écrit ni de l’incertitude incalculable. À la différence du danger qui renvoie à des propriétés intrinsèques – un gaz toxique est dangereux -, le risque est circonstancié : il concerne la probabilité qu’un danger ait tels effets, de telle ampleur, dans tels lieux, moments, conditions.
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Dès la fin des années ’80, le sociologue Ulrich Beck a pensé la société du risque, son lien étroit avec la modernité et la fragilité de la démocratie. Il indique que l’individualisation et la complexité croissante des systèmes techniques ou sociaux rendent les événements et nos vies de plus en plus volatiles, donc risquées.
Le philosophe Lambros Couloubaristis relie lui aussi complexité et risque. Dans les pas de Morin, il met en avant l’importance décisive des boucles de rétroaction. Quand des effets deviennent des causes de leur propre mouvement, la situation se renouvelle, apparaît inédite, et les prévisions ou réponses habituelles ne fonctionnent plus. Il faut passer aux analyses de risque.
Notre société belge est devenue de plus en plus complexe. Pourtant, le risque n’a toujours pas l’attention politique qu’il mériterait.
Certes, nous avons bien des règles relatives à certains sujets (nucléaire, chimique, sécurité au travail…), les analyses de centres de recherche en santé publique, et même celles d’un Centre de Crise National qui s’intéresse aux risques terroristes, naturels, technologiques ou sanitaires.
Il y a un risque de fragmentation croissante, de malaise, voire d’épuisement vital. Par comparaison, les risques d’émeute paraîtraient presque anodins.
Mais il n’existe pas de réflexion globale et largement débattue sur les risques sociaux systémiques. Or, ce type de réflexion est possible. Ainsi, le politologue Ian Bremmer identifie des indicateurs de troubles allant des émeutes à la révolution : poids de la jeunesse, logement, misère, corruption, violence, leaders d’opposition charismatiques… Les scénarios stratégiques construits par de grandes entreprises, des services de renseignement, les rapports d’agences de notation et d’assureurs prennent également la dimension sociale en compte.
Nous sommes confrontés à des tendances sociales lourdes, porteuses de risques majeurs, qui ne font pourtant pas l’objet de politiques transversales ambitieuses. Par exemple, l’isolement touche de plus en plus de personnes au point que d’ici quelques années la majorité des logements seront occupés par des personnes seules. L’obésité gagne elle aussi : 10,8% de la population adulte il y a 20 ans, 15,9% aujourd’hui, 33% en 2035 selon la Fédération mondiale de l’obésité. On sait qu’isolement et obésité sont importants pour la santé et le bien-être, individuel ou collectif. Ils ont aussi une dimension économique : le capital social favorise l’emploi et l’investissement, l’impact du surpoids est estimé à plus de 8 milliards d’euros (soins, mort prématurée, absentéisme…).
Si l’on ajoute les tendances négatives en matière d’enseignement, de logement, de désengagement politique et professionnel, on constate que les fondamentaux d’un rapport serein aux autres, à soi-même et au monde sont en danger. Il y a un risque de fragmentation croissante, de malaise, voire d’épuisement vital. Par comparaison, les risques d’émeute paraîtraient presque anodins.
L’année prochaine sera électorale. Elle pourrait être l’occasion de nous confronter à ces risques sociaux massifs. Il s’agirait de mener une réflexion stratégique.
Nous n’avons pas d’instruments publics comme France Stratégie ou le Wetenschappelijke Raad voor het Regeringsbeleid hollandais. Néanmoins, nous disposons de sources comme le Bureau du Plan, des centres de recherches universitaires ou l’exercice du Plan de relance pour la Belgique.
Il nous faudra rassembler ces données et, surtout, les mettre en débat : permettre qu’une réelle diversité d’acteurs sociaux, au-delà des « usual suspects » du pudding belge, échangent afin d’identifier des forces motrices décisives de l’évolution, d’imaginer des scénarios possibles, de dégager des actions qui nous y préparent au mieux.
Ce faisant, nous aurons utilisé le risque pour ce qu’il a aussi d’opportunité, d’ouverture, et de rappel au pouvoir de notre liberté collective…
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