SAGESSES DE GUERRE ?
Écrire à un ami Viallate, maître en chronique, disait que l’on n’écrit bien qu’en s’adressant à une personne en particulier. L’ami P. est mort, mais
Écrire à un ami
Vialatte, maître en chronique, disait que l’on n’écrit bien qu’en s’adressant à une personne en particulier. L’ami P. est mort, mais ceci est fidèle à nos échanges.
Cour Pénale Culinaire Internationale, ivresse, et Séraphin Lampion en maître de l’épure
Cher P.,
L’immense avantage des fêtes de Noël, outre qu’elles permettent de goûter aux expériences alimentaires audacieuses, voire fantasques, voire qui justifient à elles seules la création d’une Cour Pénale Culinaire Internationale, c’est qu’elles vous offrent la possibilité de revoir le cousin Séraphin.
(Oui, je l’avoue, par lâcheté commune et par souci de clarté immédiate, j’ai ici masqué le cousin XXX sous le prénom du Sieur Lampion).
Ainsi, l’autre soir chez la tante Léonie, je fus assis juste à côté de Séraphin. Je ne l’avais plus vu depuis l’enterrement de son beau-frère, puisque nous nous étions ratés au mariage de son petit neveu. Il avait grossi. C’est la moindre des choses. Le Belge moyen, sitôt passé le cap des 35 ans, est en surpoids. C’est la règle[1]. Et Séraphin est homme de règles.
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Nous avions bien des choses à nous dire. Je dirais même plus : il avait bien des choses à me dire sur ses enfants, ses affaires, la vie de son quartier, de son jardin, de son apport au jardin de sa mère, de sa mère, de son frère, des affaires de son frère, notamment.
A la fin de la soirée, j’étais complètement rond. Je n’avais quasiment pas touché une goutte d’alcool mais les mots de Séraphin m’avaient saturé, pris aux neurones, ensorcelé. Je ne savais plus comment je m’appelais. Et je me doutais que, le lendemain matin, j’aurais un terrible mal de graal, me demandant pourquoi j’avais passé du temps avec ce bougre de sauvage d’aérolithe de tonnerre de Brest.
Car oui, je l’avoue aussi, seul le graal m’intéresse. Le graal d’une vie libre, curieuse et amoureuse. Je n’en suis pas fier. C’est comme ça. Souvent il m’arrive même de penser que c’est parfaitement crétin, qu’au lieu de chercher le perfectionnement je ferais mieux de me laisser aller à la servitude volontaire et à la nonchalance de l’IMC supérieur à 25. Mais voilà, on ne se refait pas.
Séraphin non plus, il ne se refait pas. Tout petit déjà, il n’arrêtait pas de causer causer causer. Dans toute la bande c’était peut-être le plus bavard, ce qui relève de l’exploit quand on connait le niveau moyen de la lignée. Je n’aurais donc pas dû être étonné de notre échange. Pourtant, je ne parvenais pas me défaire de l’impression que le cousin était en train de devenir une caricature de lui-même, qu’il parlait maintenant plus encore, que cette fois on l’avait perdu. ‘Allô, ici Huston, avez-vous vu Séraphin ?’
Qu’est-ce qu’une caricature ? L’exagération d’un défaut. C’est pourquoi Plantu trouve qu’il est beaucoup plus facile et amusant de caricaturer le gros Raymond Barre que Macron le beau gosse : un nez fourni devient énorme, un menton double devient quintuple, une petite verrue vire à la pustule hollywoodienne.
Oui, Séraphin devenait caricatural. Mais non. Car le bonhomme, dans son torrent de bavardage, charriait aussi de gros blocs de tendresse à l’égard de tel blessé de la vie, d’intelligence dans telle relation, de subtilité dans son regard sur tel quartier pauvre pourtant si loin du sien. Face à ces qualités, son trait de caractère bavard n’est-il pas, plutôt qu’un défaut, la basse continue de sa partition personnelle ? N’est-ce pas moi qui, en le nommant Séraphin et en évoquant le graal, suis une caricature de moi-même, un petit marquis prétentieux et grotesque ? Si. Mais non. Nous voilà renvoyés dos à dos, dans la caricature qui n’en est pas une mais quand même un peu.
Alors, ne nous faut-il pas essayer de nous lire avec un autre mot ? Lequel ? Si on essayait l’« épure » ?
Bien sûr, Séparphin et moi ne sommes pas plus dans l’épure que dans la caricature. Mais, puisqu’après Noël vient le Nouvel An, ce pourrait être une bonne résolution : nous nettoyer de nos propres scories, faire du temps un allié, non un ennemi.
Et, tant qu’à faire, essayer de contaminer le collectif de cette ambition ?…
[1] Voir le rapport Siensano 2018 https://his.wiv-isp.be/fr/Documents%20partages/NS_FR_2018.pdf page 14
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Écrire à un ami Viallate, maître en chronique, disait que l’on n’écrit bien qu’en s’adressant à une personne en particulier. L’ami P. est mort, mais
Écrire à un ami Viallate, maître en chronique, disait que l’on n’écrit bien qu’en s’adressant à une personne en particulier. L’ami P. est mort, mais
Interroger le monde Le monde, ici, maintenant, à l’horizon de demain et ailleurs. Événements, faits, chiffres : essayer de les regarder pour voir, situer, peser,
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Écrire à un ami Viallate, maître en chronique, disait que l’on n’écrit bien qu’en s’adressant à une personne en particulier. L’ami P. est mort, mais
Écrire à un ami Viallate, maître en chronique, disait que l’on n’écrit bien qu’en s’adressant à une personne en particulier. L’ami P. est mort, mais
Interroger le monde Le monde, ici, maintenant, à l’horizon de demain et ailleurs. Événements, faits, chiffres : essayer de les regarder pour voir, situer, peser,
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